Le musée des Beaux-Arts d'Agen est installé dans quatre
hôtels particuliers qui datent de la Renaissance : l'hôtel d'Estrades,
l'hôtel de Vaurs, l'hôtel Vergès et l'hôtel Monluc.
Cet ensemble architectural, composé des hôtels et des cours
intérieures, offre aux visiteurs une promenade à travers l'histoire
monumentale d'Agen.
Les premières collections ont été rassemblées à la fin du XIXème
siècle par les érudits et les amateurs agenais. Le musée s'est ouvert en
1876 et compte aujourd'hui plus de 2 000 œuvres historiques et
artistiques. Au début du siècle, il s'est considérablement enrichi par
l'arrivée du legs Chaudordy (art espagnol) et de la collection des ducs
d'Aiguillon (art français du XVIIIème siècle), issue des saisies
révolutionnaires de 1792. Depuis, le Musée n'a cessé de bénéficier d'une
politique de dépôts de l'État et d'acquisitions, qui en fait un des
musées municipaux les plus réputés...
Raconter l'histoire des bâtiments composant le musée des Beaux-Arts
de la ville d'Agen n'a rien d'une sinécure. Le musée est en fait un
assemblage de constructions disparates, qui ne sont devenues un ensemble
cohérent que lors des cent vingt dernières années.
Il faut revenir très longtemps en arrière pour découvrir le secret
des premières pierres sur lesquelles le musée s'est bâti. L'implantation
des différents hôtels particuliers du musée suit celle du premier
rempart de la ville : le mur romain du IIIème siècle. Il semblerait,
selon certains spécialistes, que des vestiges de ce mur soient encore
visibles dans les sous-sols du musée. De fait, un rempart va rester à
cet endroit pendant presque tout le Moyen Age. C'est notamment de ce
coté-là que viendront les attaques arabes, celles des croisés contre les
cathares de la ville et enfin celles des Anglais pendant la guerre de
Cent Ans. Ces derniers constitueront le principal péril, lorsqu'ils
parviendront à s'emparer du château Montrevel : gardien de la ville et
actuelle mairie.
Les péripéties de la guerre de Cent Ans entraîneront la destruction
des remparts, à la moitié du XVème siècle. Les différents hôtels
particuliers sont érigés entre la fin du XVème et le milieu du XVI
siècle.
L'hôtel d'Estrades, acquis en 1658, flanque la maison commune (actuel
théâtre) à laquelle il est lié par une aile qui est démolie en 1880.
L'hôtel de Vaurs devient ce magnifique bâtiment renaissance que nous
connaissons aujourd'hui, sous l'influence de Géraud Michel dit Ferron.
Celui-ci l'aménage, peu de temps avant les guerres de Religion. L'hôtel
de Vaurs sera acquis pour le prix considérable de 8 000 livres tournois
(16 millions de nos francs actuels environ) par la ville, en 1765, pour
devenir une prison.
L'hôtel Vergès, moins riche en décorations, ne complète pas pour
autant, parfaitement, l'ensemble d'un musée auquel on rajoutera l'hôtel
Monluc dans les années 60-70.
En attendant, ces hôtels particuliers deviennent des bâtiments
publics avant la Révolution. Ils sont la marque d'un pouvoir municipal
déjà fortement installé à Agen. La Révolution ne viendra guère
bouleverser leur rôle. Par contre, le nouveau régime invente le concept
de musée, et l'idée d'un tel conservatoire naît à Agen en l'an II. Le
musée d'Agen reste cependant à l'état de concept pendant les trois
quarts du XIXème siècle.
Il faut attendre 1876 pour que les choses évoluent. Entre-temps, Agen
se transforme. L'un des aspects essentiels est la translation du siège
du pouvoir municipal de l'ancienne maison commune au présidial.
L'évolution se fait par étapes et passe d'abord par l'annexion d'une
partie de l'hôtel d'Estrades pour abriter plusieurs services municipaux.
Lorsque la Société des amis du musée est créée en 1876, les hôtels
particuliers sont vides depuis près de 10 ans. C'est une aubaine unique
pour installer les collections qui attendent depuis quatre-vingt ans. Le
musée est monté entre 1876 et 1878. Rapidement après son inauguration,
il voit son succès décoller. De plus, il peut compter sur des alliés de
choix. Outre la Société des amis du musée qui compte des gens de valeurs
comme G. Tholin, A.Magen, Ph Lauzun..., il est aussi protégé par des
maires comme J.B Durand, G.Laboulbène et J.Celsou des parlementaires
comme J.Chaumié. A. Fallières, le bienfaiteur du Lot-et-Garonne entre
1880 et 1910, ministre des Beaux-Arts puis Président, alimentera le
musée avec des œuvres d'origines diverses . Enfin le musée d'Agen doit
aussi sa gloire aux généreux donateurs comme le comte Chaudordy,
Brondeaude Senelles ou encore l'incontournable Félix Aunac.
C'est d'ailleurs sous l'impulsion de ce dernier que le musée connaît
sa première évolution architecturale, et ce dès 1893. Un étage
supplémentaire en briques est apporté à l'hôtel de Vergès. Cette
construction non seulement ne dénature pas le bâtiment original, mais
lui apporte une touche supplémentaire de grâce et de beauté. Cette
transformation ne fut pas de tout repos. L'idée partit du décès de Félix
Aunac, grand ami du musée s'il en fut. Son fils, Louis, en exécution
des volontés de son père donne 15 000 francs-or, ce qui est une somme
considérable pour faire exécuter des travaux qui reviennent in fine à 32
000 francs.
Cependant, en 1895, la crise frappe la France, et les villes comme
Agen n'ont pas la marge de manœuvre suffisante pour fournir de facto une
somme de 17 000 francs or. Le ministère des Beaux-Arts est donc
sollicité... Mais Georges Leygues, bien que Lot-et-Garonnais, n'accorde
aucun moyen à ce projet. Pire, il laisse traîner les choses et mets en
danger la donation Aunac. Celle-ci, dont une clause limite l'utilisation
de la somme dans le temps, serait perdue 18 mois après la demande.
Finalement le maire d'Agen réussit à ménager la chèvre et le chou,
obtenant une remise de la part des entreprises concessionnaires. Le
projet peut donc aboutir en septembre 1895 et le musée prend le visage
extérieur qu'on lui connaît aujourd'hui.
Cependant, la salle Aunac n'est que le premier pas de l'évolution du
musée des Beaux-Arts. En pleine guerre mondiale, en 1917, le musée est
remis à neuf et des projets fusent pour aménager la salle Brondeau de
Senelles. La Première Guerre mondiale a des effets à retardement assez
dramatiques pour le musée. Aucun aménagement d'importance n'est prévu
entre 1918 et 1932. A cette période, une nouvelle crise frappe la France
et menace aussi le musée, ainsi que l'ensemble architectural classé
qu'il compose. Les toits, surtout, donnent des signes de fatigue, et, à
plusieurs reprises, des passants échappent à la mort de quelques
centimètres, car une tuile qui vient de se détacher tombe à leurs pieds !
Il faudra attendre 1936-1937 pour qu'une campagne importante de
rénovations soit entreprise.
Le toit est l'une des priorités, mais il s'agit aussi d'améliorer la
communication entre les différents bâtiments. C'est un véritable débat
d'architecte qui va opposer les vues de G. Rapin, à celles de
l'architecte du ministère et à celles de l'ingénieur de la ville. Pour
réussir à ouvrir une porte dans un mur d'un mètre cinquante d'épaisseur
entre les hôtels de Vaurs et de Vergès, toutes les solutions sont
envisagées. Finalement, compte tenu de l'état du mur, et des coûts
induits, la ville opte pour celle de son ingénieur : une porte soutenue
par un encadrement de béton armé avec des ferrures suffisamment fortes
pour faire face aux contraintes du bâtiment.
Après la Seconde Guerre mondiale, l'arrivée de Mlle Labit en qualité
de conservateur va permettre d'améliorer l'entretien des bâtiments du
musée. Elle insiste d'abord sur le bien être de ses agents en aménageant
des bureaux chauds et confortables, puis, elle commande des travaux
d'embellissement en faisant éliminer certaines statues en plâtre ne
correspondant plus à l'image du musée des Beaux-Arts d'Agen. Cette
opération offrit une surprise de taille aux ouvriers municipaux, qui se
heurtèrent à une boîte de fer en abattant une de ces statues. A
l'intérieur de la boîte, le cœur embaumé de Boudon de Saint-Amans
attendait qu'on le découvre. Peu après, le musée annexe la presque
totalité de l'hôtel Monluc, ce qui constitue un agrandissement très
important. Seul le rez-de-chaussée est laissé au club Monluc et au
C.C.A.S. Les étages supérieurs reviennent au musée qui y installera
notamment les œuvres contemporaines. Toutefois, le musée n'atteindra
l'éclat qu'on lui connaît qu'à partir des années 1970, lorsque le tandem
Esquirol-Labit met toute sa passion au service de ce haut lieu de la
culture agenaise. L'achat de Monluc nécessite de nombreux travaux, fort
chers. Mais en 10 ans c'est l'ensemble du musée qui va être restauré. Le
plus impressionnant sera peut-être la dépose des fenêtres à meneaux de
l'hôtel de Vergès.
Mlle Labit devient Mme Esquirol. Elle continue l'œuvre entreprise à
deux au musée. Elle fait honneur à son défunt mari en réservant une
nouvelle salle aux pièces dont il a fait don. Ce don ouvre, par
ailleurs, le musée d'Agen vers l'art asiatique. Conservateur depuis le
début des années cinquante, Mme Esquirol prend sa retraite en 1992.
C'est l'occasion pour une jeune conservatrice alsacienne, Yannick
Lintz de faire ses preuves. En peu de temps, elle va faire de l'héritage
du couple Esquirol un musée à la pointe de la modernité. L'un de ses
soucis principaux est de diversifier les publics. Aidée par des
collaborateurs compétents et passionnés, elle multiplie les événements,
parvenant même à intéresser les plus jeunes (3 à 6 ans) aux œuvres
d'art. Ces oeuvres d'art, justement, Yannick Lintz va tenter de leurs
conférer une légitimité accrue. Elle fait expertiser, plus
particulièrement, les Goya, dont Agen est si fière. Mais elle a aussi la
chance avec elle, puisqu'elle découvre, fait restaurer et enfin, fait
mettre en valeur un Tintoret que l'on ne connaissait pas.
Enfin, avant de partir au cabinet du ministre de l'Education
nationale, Mlle Lintz aura eu le temps de faire produire, avec l'aide de
la BNP-Paribas un catalogue du musée et de préparer les nouveaux
travaux qui feront du musée des beaux arts d'Agen un musée du troisième
millénaire. Marie-Dominique Nivière est, depuis mai 2001, le nouveau
conservateur du musée des Beaux-Arts d'Agen.
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